La matière médicale : introduction

Pour connaître les indications des remèdes homéopathiques, il est nécessaire d'étudier leur activité par des essais pharmacodynamiques sur un organisme sain, leur activité thérapeutique étant la contre-image de leur pouvoir pathogénésique chez l'individu en bonne santé.

La pathogénésie est le recueil des effets réactionnels expérimentaux du remède homéopathique; le recueil de toutes les réactions symptomatiques d'un individu en bonne santé soumis à des essais de toxicité contrôlée d'une substance médicamenteuse active.

A la différence de la Matière Médicale pharmaceutique qui est le recueil des caractéristiques physiques, chimiques ou organoleptiques des substances utilisées comme médicaments en Médecine, la Matière Médicale Homéopathique est le recueil des réactions humaines, de tous les tableaux symptomatiques développés par les remèdes homéopathiques au cours de leur étude expérimentale; le recueil des symptômes qui permettent de choisir le remède qui convient à un malade à un moment précis de l'évolution de la maladie.

La Matière Médicale Homéopathique est un album d'images vivantes, de tableaux symptomatiques comparables aux tableaux cliniques observés chez les malades.

Innombrables sont les substances douées (à l'état latent) d'un pouvoir pathogénétique, comme la silice, le fer, l'alumine, le charbon animal ou végétal et nombre de substances minérales ou végétales apparemment inertes. Mais en règle générale ce sont les substances les plus dangereuses comme la Belladonne, le Datura..., qui développent les pathogénésies les plus intéressantes, les plus riches en symptômes; et qui après dynamisation en milieu très dilué, fournissent les remèdes les plus précieux en pratique médicale courante.

Les Laboratoires homéopathiques ont retenu 1.100 remèdes dont 600 remèdes d'origine végétale dans la nomenclature officielle. La valeur thérapeutique de ces remèdes est très inégale et fonction de leur pouvoir de développer des pathogénésies plus ou moins riches en symptômes dignes d 'intérêt.

Le premier ouvrage de Matière Médicale Homéopathique a été écrit en latin et publié en 1805 sous le titre de « Fragments sur les effets positifs des médicaments observés chez l'homme sain», ou «Fragmenta de viribus...».

Son auteur, Samuel HAHNEMANN, avait déjà publié à cette date plus de cinquante ouvrages ou articles, traductions de l'anglais, du français, de l'italien; ou articles originaux en allemand traitant de chimie, de pharmacie, de littérature, de philosophie ou de médecine.

En 1796 dans un « Essai sur un nouveau principe pour découvrir les vertus curatives des substances médicinales" il avait publié les premiers éléments d'une thérapeutique nouvelle. En 1810 son «Organon de l'art de guérir» fixait sa technique rigoureuse d'expérimentation humaine et les bases d'une nouvelle Doctrine et d'une nouvelle méthode thérapeutique qu'il appela: I'Homéopathie.

La première Matière Médicale de Hahnemann (1805) réunissait les 27 pathogénésies des substances médicamenteuses considérées à l'époque comme étant les plus actives (quinquina, aconit, par exemple). Cette publication était le résultat de vingt années d'expérimentation de remèdes sur lui-même, sur sa famille et sur ses premiers disciples.

De 1811 à 1821 Hahnemann publia sa «Matière Médicale pure» qui porta de 27 à 101 le nombre de pathogénésies étudiées par lui et par les 64 expérimentateurs qu'il nomme dans son ouvrage.

Par la suite, les expérimentations de remèdes nouveaux et les études pathogénésiques se multiplièrent dans de nombreux pays: L'Allemagne, la France, l'Angleterre, le Brésil et surtout les Etats-Unis où l'Homéopathie connut un essor prodigieux sous l'influence de médecins remarquables comme HERING, ALLEN, JAHR, KENT...

En 1845, JAHR publia en France son «Nouveau Manuel de Médecine Homéopathique» en quatre volumes.

De 1874 à 1879 Timothy ALLEN publia une Matière Médicale monumentale en 10 volumes, réunissant 635 pathogénésies, avec les noms des expérimentateurs (jusqu'à 226 pour l'arsenic) et les doses employées pour chaque expérimentation.

En 1892 Constantin HERING publia ses «Guiding Symptoms of our Materia Medica", matière médicale encyclopédique en 10 volumes également.

Toutes les pathogénésies réunies par Hahnemann et ses successeurs ont été réalisées en respectant les règles très strictes d'une méthode d'expérimentation rigoureuse mise au point par Hahnemann: nombre élevé d'expérimentateurs de sexe, d'âge et de constitution différents, choix des dilutions à déterminer en fonction de l'activité expérimentale de la substance à étudier, sélection des expérimentateurs en fonction de leur sensibilité à telle ou telle substance, sélection des symptômes réactionnels en fonction de la régularité de leur apparition, et de l'intensité de leur manifestation. Pour éviter les phénomènes de suggestion toujours à craindre, même chez des expérimentateurs scrupuleux, les élèves de Hahnemann recommandèrent de laisser l'expérimentateur dans l'ignorance de la nature de la substance étudiée et introduisirent au cours de l'expérimentation et à des moments différents des substances neutres, des placebo (sous la même présentation que celle du produit à étudier) à l'insu de l'expérimentateur. Enfin en 1906 BELLOWS mit au point et imposa une technique d'expérimentation nouvelle, dite en double-aveugle: introduction de placebo à des moments variables de l'expérimentation et à l'insu non seulement de l'expérimentateur mais aussi du contrôleur, du directeur de l'expérimentation.

Toutes ces pathogénésies réunissent selon un schéma anatomique établi par Hahnemann des dizaines et des dizaines de milliers de symptômes sans lien apparent, dans une longue énumération fastidieuse défiant la patience, la mémoire et la compréhension synthétique du lecteur.

Il fallut classer, trier, vérifier, valoriser tous ces symptômes dont certains prêtent encore à sourire par leur apparente insignifiance ou par l'extrême minutie de leur analyse.

Pour enrichir la Matière Médicale, Hahnemann recommande d'emprunter aux descriptions d'intoxication criminelle ou accidentelle les symptômes lésionnels que l'expérimentation n'aurait pu faire apparaître (à doses toxiques) sans faire courir des risques graves et durables à l'expérimentateur.

Depuis la publication de la première matière médicale en 1805, les travaux de clarification et de simplification des pathogénésies effectués par des générations de médecins ont abouti à une mise en forme pratiquement définitive des modalités symptomatiques.

En France des précis de Matière Médicale comme celui de Léon VANNIER et de Jean POIRIER, ou des Matières Médicales cliniques comme celle de VOISIN sont proches de la perfection dans la présentation des symptômes et méritent de rester des instruments de travail quotidien pour ceux qui pratiquent l'Homéopathie.

Mais à défaut de rechercher une impossible originalité dans l'exposé des symptômes pathogénésiques, il est encore possi­ble pour un auteur de Matière Médicale condensée de simplifier la présentation analytique des symptômes en s'efforçant de donner de chaque remède une vision à la fois synthétique et physio-pathologique.

Ainsi le temps n'est plus où un Médecin homéopathe pouvait demander à son malade de lui définir la douleur qu'il ressent à l'aide d'une des cent modalités douloureuses recensées et répertoriées par KENT. Pour guérir un malade de sa douleur, il ne suffit plus de savoir si cette douleur est battante, brûlante, constrictive, crampoïde, piquante, rongeante, etc...

Il faut savoir que la douleur battante de Belladonna correspond à une inflammation très aiguë souvent fébrile avec tendance à la suppuration; que la douleur piquante et brûlante de Apis correspond à un processus œdémateux inflammatoire aigu; que la douleur piquante (comme par une écharde de bois dans les tissus) de Nitricum acidum correspond à un processus ulcéro-végétant à tendance hémorragique; que la douleur crampoïde ou névralgique de Magnesia phosphorica correspond soit à une hyperexcitabilité neuromusculaire soit à une excitation ou inflammation violente d'un nerf; que la douleur brûlante et rongeante de Condurango correspond à une inflammation nécrosante à évolution cancéreuse; que la douleur brûlante et comme une plaie à vif de Causticum correspond à une lésion scléro-inflammatoire à cicatrisation fibreuse; que la douleur spasmodique et paroxystique de Dioscorea correspond à un spasme très violent d'un viscère creux (colique néphrétique, hépatique ou intestinale...).

Le but d'un exposé de Matière Médicale comme celui-ci est d'attirer l'attention du lecteur sur la grande diversité des symptômes familiers qu'un malade peut ressentir au cours de sa maladie; d'apprendre à se mettre à l'écoute de son organisme; et enfin de prendre conscience du fait que lorsque le malade répond aux questions de son Médecin il prend une part active à sa guérison en dictant d'une certaine façon son propre traitement.

Guide d'homéopathie

du Docteur QUENTIN

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